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Le Mariage de Figaro, Beaumarchais

Dernière mise à jour : 3 sept. 2019

Séquence proposant quatre études de textes: scène d'exposition, conversation entre Suzanne et la comtesse, monologue de Figaro et scène du dénouement final.

Etude de la scène 1, acte I du Mariage de Figaro, Beaumarchais
Problématique: Peut-on parler ici d'une scène d'exposition classique?

I-Un texte qui répond aux attentes d'une scène d'exposition classique:

1-Présentation des personnages: La scène permet de découvrir deux des personnages principaux, à savoir Figaro et Suzanne. Les didascalies nous apprennent qu'ils vont se marier («petit chapeau de la mariée») et les répliques nous le confirment: «le matin des noces, à l'oeil amoureux d'un époux»). Les champs lexicaux du mariage et de l'amour sont très présents, de même que le tutoiement entre Suzanne et Figaro, ainsi que de nombreux termes affectueux: «ma charmante», «belle fille», «mon fils», «ma petite Suzanne», «mon ami», «bon garçon», «mon petit fi, fi, Figaro». Mais la scène d'exposition évoque aussi des personnages qui pour l'instant sont absents: le comte, la comtesse et Bazile, désigné par la périphrase ironique «mon noble maître à chanter».

2-Mise en place des bases de l'intrigue: Le cadre spatio-temporel est indiqué grâce aux indices de temps («le matin des noces») et de lieu («la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements»). L'intrigue se met en place dès le début de la pièce, avec le refus catégorique de Suzanne d'accepter la chambre en cadeau de mariage: «Et moi, je n'en veux point». Dès la scène d'exposition, le public découvre que le comte a des vues sur Suzanne et qu'il aimerait remettre en vigueur l'ancien «droit de cuissage» pratiqué au Moyen-Age et désigné ici comme le «droit du seigneur». On distingue assez vite la présence de deux camps opposés: d'un côté Figaro et Suzanne,ainsi que la comtesse, de l'autre le comte et Bazile, «honnête agent de ses plaisirs».

3-Une scène d'exposition qui capte l'attention et séduit le public de la comédie: La scène d'exposition met en place un univers joyeux, vif et léger, caractéristique de la comédie, avec notamment la présence du comique de gestes et du comique de mots. Le comique de gestes est présent grâce au jeu de scène entre les deux amoureux. Figaro est en mouvement pour mesurer la pièce, puis il multiplie les gestes tendres et caressants, tandis que Suzanne fait la coquette. Le comique de mots est aussi présent, avec des répliques rebondissant les unes sur les autres comme des stichomythies, des onomatopées avec des effets d'écho «zeste(...)crac et en trois sauts me voilà rendu»; «tinter»/»tinté»), des apostrophes ironiques.

II-Un texte qui s'écarte de certaines conventions du théâtre classique:

1-Une scène particulièrement riche et dynamique: La scène d'exposition que nous découvrons est particulièrement vive et riche d'informations, à l'image de la pièce de théâtre qui va se développer ensuite, et dont le sous-titre est «la folle journée». Les personnages sont en mouvement, en pleine action, le dialogue est vif et pétillant, les ressorts de l'intrigue sont mis en place avec une grande efficacité et le réseau de personnages est lui aussi posé de façon dynamique. A l'époque classique, une pièce de théâtre devait respecter la règle des trois unités: une seule intrigue (unité d'action), une seule journée (unité de temps: la pièce est censée se dérouler sur 24h), un seul espace (unité de lieu: tout se déroule au même endroit, donc pas de changement de décor en principe). La scène d'exposition que nous découvrons met en place les bases d'une pièce très riche, complexe et dynamique, dans laquelle les différentes composantes de la règle des trois unités vont être mises à mal (plusieurs intrigues vont s'entrecroiser, plusieurs décors différents seront utilisés et la multiplicité étourdissante des événements successifs va composer pour le public une impressionnante «folle journée», très divertissante et peu réaliste).

2-Une scène qui s'écarte de la règle de bienséance: De même, les pièces de théâtre classiques respectaient en principe la règle de bienséance: dans le souci de ne pas choquer la morale et les bonnes mœurs, la représentation de la violence ou de la mort, ainsi que des allusions trop directes à la sexualité étaient interdites au théâtre. Dans la scène d'exposition du Mariage de Figaro, les allusions à la nuit de noces et à la sexualité sont très présentes, avec le jeu de scène de Figaro mesurant la chambre pour savoir si le lit du couple pourra y trouver sa place, l'évocation du plaisir amoureux convoité par Figaro mais aussi par le comte, comme le montrent les paroles d'abord implicites puis explicites de Suzanne: «zeste! En deux pas, il est à ma porte, et crac! En trois sauts...», «Monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme; c'est sur la tienne, entends-tu qu'il a jeté ses vues».». La scène s'écarte donc de la règle de bienséance.

3-Une scène qui met en place une forte opposition entre le maître et les valets: Le schéma actanciel est déjà mis en place avec cette scène d'exposition. Deux clans se forment déjà: d'un côté Figaro, Suzanne (les héros de l'intrigue) et la comtesse (qui fera fonction d'adjuvant) de l'autre le comte Almaviva et son serviteur Bazile (qui feront fonction d'opposants). D'un côté on distingue le camp de l'amour sincère et réciproque, de l'autre le camp de la puissance, de l'hypocrisie et de l'abus de pouvoir. Figaro apparaît pour l'instant comme le valet typique de comédie, héritier des personnages de la commedia dell'arte tels qu'Arlequin ou des valets astucieux de Molière comme Scapin. Il est au tout début de la pièce dévoué à son maître, joyeux, confiant: «la chambre du château qui est la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements». Suzanne apparaît déjà comme une servante lucide et bien décidée à ne pas se laisser faire par le maître du château. On observe qu'elle tient tête à son futur mari avec obstination, selon une gradation: «Je n'en veux point», «Elle me déplaît», «Si je n'en veux pas dire?». Suzanne mène la scène, obligeant en fait Figaro à faire face à la réalité, qui est celle d'un mariage menacé par les abus de pouvoir d'un maître libertin. D'entrée de jeu, le public perçoit l'opposition et se range du côté des valets, amoureux sincères et sympathiques, véritables héros de la pièce.



Etude d'un extrait du Mariage de Figaro, Beaumarchais, acte II, scène 1
Problématique: En quoi peut-on parler d'une scène de comédie féminine et sociale?

I-La représentation de l'univers féminin:

1-Le lieu des confidences: On remarque l'importance du lieu, clairement signalée dans les didascalies: il s'agit des appartements de la comtesse, et donc à la fois du refuge de celle-ci, mais encore du lieu de travail de Suzanne. C'est donc un endroit très intime et ce caractère est encore accentué par l'ordre donné à la servante: «Ferme la porte, Suzanne, et conte-moi tout». Le caractère très féminin du lieu est encore accentué par certains éléments du décor: une bergère, un grand lit en alcôve, un éventail. Ce décor marque toutefois la distance sociale entre les maîtres et les valets, car cette chambre est très différente de celle des valets, présentée en ouverture.

2-Le thème de la conversation: L'étude des champs lexicaux révèle que l'amour est le thème essentiel de la conversation entre Suzanne et la comtesse: «trop aimé»,«tendresses», «amour», «jalousie», «m'embrasser». En fait, les confidences échangées entre les deux femmes s'articulent autour de trois personnages masculins bien différents: le comte Almaviva, le jeune Chérubin et enfin, Figaro. On voit donc apparaître ici deux camps bien différents, celui des hommes et celui des femmes. 3-Deux portraits de femmes: On voit se dessiner deux beaux portraits de femmes, au fil de la conversation. La comtesse nous apparaît en proie à une grande agitation, soulignée par les didascalies. La gestuelle possède ici une grande importance: «se jette dans une bergère», «souriant», «rêvant», «se lève et se promène, en se servant fortement de son éventail». Blessée dans son amour pour le comte, elle pose un constat amer et bref: «Il ne m'aime plus du tout». Elle ne sombre pas dans la colère mais dans le sentiment de culpabilité, mis en relief par un parallélisme de construction: «Je l'ai lassé de mes tendresses et fatigué de mon amour». En revanche, elle s'abandonne avec délices -la didascalie est répétée- à une rêverie ambiguë au sujet de Chérubin. Suzanne paraît ici douée de franchise («Je n'ai rien caché à Madame») mais aussi de tact, faisant preuve de douceur envers la comtesse délaissée par son mari. Suzanne lui change les idées, la distrait par son talent pour la comédie, reproduisant les paroles, mais aussi le ton et l'attitude de Chérubin. On peut ici parler de théâtre dans le théâtre, c'est un effet de mise en abyme.

II-La représentation de l'amour:

1-Chérubin et les amours enfantines: Une des différentes facettes de l'amour représentées ici est celle de l'amour naissant ou de l'apprentissage amoureux, naïf et encore enfantin, incarné ici par le personnage de Chérubin, qui selon la correspondance de Beaumarchais a treize ans, tandis que Fanchette en a douze. On repère ici le champ lexical de l'enfance, on remarque l'humour avec lequel Suzanne représente le petit page défendant le ruban de la comtesse, car elle emploie des images contrastées, comparaison avec un lion puis description d'une voix qui est plutôt celle de l'agneau, dans la fable de La Fontaine. La comtesse apprenant qu'elle est ainsi vénérée adopte une attitude maternelle («quelle enfance!»). Cependant une certaine ambiguïté se glisse dans son attitude , comme le souligne son attitude rêveuse, alanguie, marquée par les didascalies et par les points de suspension, ainsi que par l'emploi de l'hyperbole «folie».

2-Le comte et le libertinage: Ici le comte représente une facette dégradée de l'amour, à la fois infidèle et méprisable. Suzanne souligne le caractère vénal de son entreprise de séduction: «Monseigneur n'y met pas tant de façons avec sa servante il voulait m'acheter». Le comte est aussi un séducteur volage, dont il est difficile de conserver longtemps les faveurs. Ainsi, la comtesse en arrive à s'accuser de n'avoir pas su préserver son amour, en lui dévoilant le sien de façon trop sincère. Son amertume de femme trompée éclate avec l'utilisation d'une interjection, de trois exclamatives et le jeu des parallélismes de construction: «Ah! Je l'ai trop aimé! Je l'ai lassé de mes tendresses et fatigué de mon amour!» 3-Le mariage comme enjeu essentiel: Dans cette scène, le mariage est l'enjeu essentiel des confidences, comme il est d'ailleurs l'enjeu essentiel de toute la pièce. Le mariage est présenté comme la source possible de tristes désillusions, comme le montre la comparaison à valeur de généralité que la comtesse emploie comme un avertissement donné à Suzanne: «Comme tous les maris, ma chère!». Il n'en reste pas moins une valeur essentielle et symbole de l'accomplissement amoureux le plus souhaitable, comme le marque l'affirmation à valeur prédictive, voire injonctive, de la comtesse: «Tu épouseras Figaro.».

III-La représentation des relations maîtres/valets:

1-Le respect du cadre social traditionnel: L'étude des indices d'énonciation montre que les bases du rapport maître/valet sont tout de même respectées ici. La comtesse en effet donne des ordres à Suzanne, la tutoie et emploie l'impératif, tandis que la servante vouvoie sa maîtresse et utilise des formules de politesse: «Madame», «Monseigneur». De plus, la servante fait preuve de tact avec la comtesse, en soulignant le caractère dégradé des désirs que lui comte lui manifeste «pas tant de façons avec sa servante, il voulait m'acheter», tout en valorisant la ferveur de Chérubin pour la comtesse.

2-Familiarité et complicité féminine: On observe cependant une certaine familiarité voire une complicité amicale entre les deux femmes, malgré la barrière sociale. La comtesse tutoie Suzanne en l'appelant par son prénom, elle utilise un diminutif affectueux, «Suzon», pour lui parler ainsi qu'une formule qui les place presque sur un pied d'égalité: «ma chère». La comtesse et Suzanne se comportent presque en amies.

3-Une relation qui met en valeur une certaine solidarité féminine: Malgré la hiérarchie sociale, un pacte fort est scellé entre les deux jeunes femmes, dans un but commun qui est de préserver leurs amours et leurs mariage: «Tu épouseras Figaro.» La formule directe et brève ainsi que l'utilisation du futur met en relief la solidarité.



Etude d'un extrait du Mariage de Figaro, Acte V, scène 3, de «Figaro, seul (...) à (…) il s'assied sur un banc.».)
Problématique: En quoi ce monologue peut-il impressionner fortement le public?

I-Un monologue dont la composition capte l'attention du public: 1-L'importance du rythme: On repère l'alternance de phrases longues et de phrases courtes, ce qui donne un effet de discontinuité, de vivacité. On repère aussi des anaphores avec le groupe ternaire«O femme! Femme! Femme!» mais aussi «...vous ne l'aurez pas...vous ne l'aurez pas.» qui créent des effets d'insistance et qui rythment le texte. On remarque par moments un rythme haché, saccadé, quand c'est la colère et la rage de Figaro qui s'expriment, et un rythme assez ample au contraire, quand il s'agit pour lui de faire le récit et le bilan de son existence. Ces variations de rythme mettent en place un discours vivant et varié, tout ceci souligné par le jeu de scène du comédien, comme l'indiquent les didascalies «seul, se promenant dans l'obscurité.».

2-La présence de multiples variations: Au théâtre, le monologue est toujours un exercice difficile pour un comédien, c'est un «morceau de bravoure», un passage important et périlleux car l'acteur doit seul capter l'attention du public, en évitant tout risque d'ennui et de monotonie. Dans ce passage de la pièce, le pari est réussi car Beaumarchais joue de multiples variations. On le constate au travers de l'énonciation, Figaro opérant en effet un balancement entre le «je» exprimant ses émotions intimes et son parcours personnel et le «vous» adressé au comte, pour exprimer sa colère, son amertume et sa révolte, et des passages de l'individuel à l'universel. 3-La diversité des émotions: En effet, si la didascalie initiale indique «du ton le plus sombre», on remarque tout de même des nuances à l'intérieur du monologue, Figaro passant de la colère «O Femme! Femme! Femme! Créature faible et décevante» avec un vocabulaire péjoratif, à l'ironie la plus amère, comme le montre sa conscience de l'ironie de la situation «...à l'instant qu'elle me donne sa parole, au milieu -même de la cérémonie» et finalement à la révolte: «Non, Monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas...vous ne l'aurez pas.». Ces variations émotionnelles sont amplifiées et soulignées par le jeu des exclamatives, des interrogatives et des points de suspension.

II-L'expression de la souffrance:

1-Un amoureux déçu: La souffrance perceptible dans ce monologue est d'abord une souffrance amoureuse. Figaro se croit trompé, trahi ou en instance d'être trahi par celle qu'il aime, Suzanne. Cette souffrance apparaît dans la force de l'apostrophe initiale, dans la présence des exclamatives et anaphores à portée générale, dans le choix des deux adjectifs qualificatifs péjoratifs «faible et décevante». Figaro déçu dans son amour s'en prend aux femmes en général, comme le montre aussi la majuscule de l'apostrophe initiale.

2-Un fiancé humilié: La souffrance amoureuse se double d'une douloureuse humiliation, puisque c'est au moment même de son mariage que la trahison semble devoir s'exercer. On repère la présence de trois compléments circonstanciels de temps, soulignant l'ironie du sort et produisant un effet d'accumulation: «Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse, à l'instant qu'elle me donne sa parole, au milieu-même de la cérémonie...». On repère aussi l'invective lancée contre le comte Almaviva «le perfide» et l'autodérision de la comparaison «et moi comme un benêt» ainsi que celle du paradoxe final: «...me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu'à moitié!».

3-Un homme confronté à l'injustice: L'injustice commise à l'encontre de Figaro s'exerce à plusieurs niveaux: il aime Suzanne et il se sent trahi, il veut se marier et risque de se voir dérober le bonheur de sa nuit de noces, il est un homme du peuple et risque de souffrir du pouvoir abusif d'un aristocrate, alors que lui-même s'est comporté comme le plus fidèle des amis pour le comte (cf. Le Barbier de Séville). Ce réseau des multiples injustices est à la source du monologue lui-même, discours-fleuve dans lequel Figaro dévoile ses pensées les plus intimes, celles d'un homme blessé dans son amour, dans sa confiance et dans sa dignité.

III-La critique de la société: 1-La critique de la noblesse: La critique de la noblesse apparaît d'abord dans un parallélisme d'une ironie cinglante: «Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie!», dans l'énumération produisant un effet d'accumulation très péjoratif: «noblesse, fortune, un rang, des places; tout cela rend si fier!» et dans la périphrase d'une ironie féroce: «vous vous êtes donné la peine de naître et rien de plus». En fait, Figaro accuse le comte de n'avoir aucun talent, aucun mérite particulier, d'être d'un orgueil inconsidéré, alors qu'il doit tout à la chance d'être né dans une famille de l'aristocratie. Cette accusation a bien sûr une portée générale et peut s'adresser à une bonne partie de la noblesse du XVIIIème siècle, ce qui explique pourquoi la pièce de Beaumarchais fut censurée pendant plusieurs années.

2-La valorisation du mérite personnel: Le siècle des Lumières va mettre en relief de nouvelles valeurs celles du peuple et de la «bourgeoisie éclairée»: l'importance du travail, de l'habileté commerciale, du talent créatif et du mérite personnel, plutôt que les valeurs aristocratiques de la noblesse du sang, de l'hérédité de la fortune et de l'art militaire. Ici Figaro met en valeur l'importance de son mérite personnel, au moyen d'une hyperbole: «il m'a fallu plus de science et de calculs, pour subsister seulement, qu'on en a mis depuis plus de cent ans à gouverner toutes les Espagnes.» Figaro souligne son appartenance au peuple avec l'image «perdu dans la foule obscure» et marque la force de son opposition au comte avec un juron: «morbleu!».

3-La révolte annoncée: Le monologue de Figaro impressionne par sa violence, qui tranche avec le dynamisme joyeux de la pièce. Les exclamatives, le juron, l'emploi d'une série de graves accusations se doublent d'un défi grave et sombre: «et vous voulez jouter...» Cette révolte préfigure au théâtre la Révolution Française de 1789.


Etude du dénouement: Le Mariage de Figaro, acte V, scène 19
Problématique: Comment le dénouement permet-il de clore la pièce de théâtre?

I-La résolution des problèmes posés dans la pièce:


1-Le dévoilement des identités: La scène finale est l'occasion de dévoiler les identités qui ont été échangées ou masquées, mais aussi de mettre en lumière les stratagèmes et les quiproquos qui se sont succédé dans la pièce. Ces multiples révélations sont mises en valeur par toute une série de parallélismes de construction: «c'é-est Madame», «c'était vous, Comtesse?», «C'est Madame qui l'a dicté», «C'est sur ma joue qu'il l'a reçu.». On remarque le recours aux exclamatives et aux interrogatives, qui marquent la surprise et l'étonnement, devant la cascade de révélations successives.


2-La résolution des enjeux majeurs: Les enjeux essentiels de la pièce, apparus dès la scène d'exposition, étaient la célébration du mariage de Figaro et Suzanne, ainsi que l'élimination des menaces que le comte Almaviva faisait peser sur le bonheur du couple de serviteurs. Figaro et Suzanne peuvent ici donner libre cours à leur joie et à un vif soulagement: le mariage va pouvoir être célébré et consommé, en tout bien tout honneur. On repère l'étoffement du champ lexical du mariage, mais aussi la litote: «Une petite journée comme celle-ci forme bien un ambassadeur!», qui contraste plaisamment avec l'autre titre de la pièce: «La Folle journée». L'importance de la gestuelle souligne que nos héros sont dignement récompensés de leurs efforts: «Elle donne la bourse à Figaro et le diamant à Suzanne», «frappant la bourse dans ses mains.» Figaro et Suzanne remportent la mise dans les domaines amoureux et financier, tous deux associés dans la comparaison mise en place par Suzanne.


3-La leçon réservée au comte: Le comte reçoit ici une bonne leçon, qui lui est administrée par son épouse et ses domestiques. On remarque la didascalie qui souligne sa défaite: «D'un ton suppliant», mais aussi la gestuelle marquant sa volonté de réconciliation, en même temps qu'un acte de contrition: «Il baise la main de la comtesse». Le réseau des interrogatives et des exclamatives marque l'étonnement, voire la stupéfaction d'Almaviva. Même si elle garde le sourire, la comtesse ironise et lui fait la morale. Figaro lui aussi utilise l'ironie «voilà comme les grands font justice!» et un grand personnage comme Brid'oison ne peut s'empêcher de rire devant la déconfiture du maître. Enfin, lui-même recourt à l'autodérision avec une comparaison: «J'ai voulu ruser avec eux; ils m'ont traité comme un enfant!».

II-La mise en valeur d'une fin heureuse:


1-Le retour à l'ordre initial: La scène finale marque le retour à l'équilibre, mais aussi restaure un ordre ancien : le comte retourne auprès de la comtesse, Figaro retrouve les bras de Suzanne, les identités sociales sont restituées, une fois la supercherie de l'échange des costumes dévoilée. On remarque le maintien des marques de politesse, particulièrement à destination de la comtesse, qui se trouve ici mise en valeur: «Eh! Pardi c'é-est Madame», «c'était vous, comtesse?», «C'est Madame qui l'avait dicté». Un instant bouleversée, les règles du jeu social sont remises en place, comme dans Le Jeu de l'amour et du hasard ou L'Ile des esclaves, de Marivaux. Les personnages féminins sont particulièrement mis à l'honneur et valorisés dans ce dénouement.


2-Le rassemblement de tous les personnages sur la scène: On remarque le grand nombre de personnages présents sur la scène au moment du dénouement. On retrouve en effet des personnages féminins et des personnages masculins, des personnages principaux et des personnages secondaires, mais aussi des personnages appartenant à toutes les catégories sociales: maîtres et valets, lieutenant de justice comme Brid'oison, pastoureau comme Grippesoleil. Tout le monde est réuni, comme pour une réconciliation générale. Les noces vont pouvoir être célébrées dans la joie, les différentes classes sociales réunies dans un cadre festif.


3-L'expression de la joie collective: L'atmosphère de cette dernière scène est bien celle de la clôture d'une comédie. On remarque l'importance du rire, mentionnée à quatre reprises dans les didascalies. Brid'oison, mais aussi la comtesse et enfin Almaviva lui-même donnent la réplique «en riant». Le champ lexical du pardon souligne que la réconciliation prend le pas sur la revanche. Les stichomythies et les exclamatives renforcent la vivacité et le dynamisme de ce dénouement heureux.

III-Les caractéristiques d'une comédie-ballet:


1-La présence d'éléments chorégraphiques: Ce dénouement s'achèvera en ballet général et le début de la scène possède bien une dimension chorégraphique. On repère ainsi l'importance de la gestuelle et la disposition des personnages. Au départ Suzanne déguisée en comtesse est aux pieds du comte. Ensuite, la comtesse déguisée en Suzanne vient adopter la même posture comme l'indique la didascalie «se jette à genoux». Puis, on repère l'enchaînement des actions pour trois personnages tour à tour: «Suzanne se relève», «Marceline se relève», «Figaro se relève». Nos personnages se livrent d'ores et déjà à une sorte de ballet amusant et gracieux.


2-La musicalité des répliques finales: Outre la dimension chorégraphique, la scène possède une certaine musicalité: on repère des parallélismes de construction , des répétitions et des anaphores. Les uns à la suite des autres, Suzanne, Marceline et Figaro adoptent la position de la comtesse et l'effet d'écho sonore souligne de façon comique la volonté de réconciliation générale. Le comique de gestes et le comique de mots sont associés.

3-Le jeu sur la polyphonie: De multiples personnages sont présents sur scène et prennent tour à tour la parole, chacun dans un langage et un style qui lui est propre: on peut parler ici d'une polyphonie. Cette réunion de voix très différentes les unes des autres marque la clôture de la pièce en insistant sur la volonté de réconciliation générale et la dimension festive du dénouement. Mozart s'inspirera de la pièce pour créer un opéra.

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